Des parents faisant la file devant certaines écoles, emmitouflés dans leurs grosses vestes, les cernes jusqu’aux genoux et la rage au ventre, c’est ce que l’on aura pu constater dans les médias ces derniers jours. Mais encore une fois, la presse n’a-t-elle pas attisé la colère de l’opinion publique ? Pour sûr, on aura pu lire ou entendre les propos des parents opposés à ce décret ou de ceux qui ont tout simplement les moyens de clamer leur indignation.
Reste à savoir si ce sont les files rencontrées dans 3 % des écoles et les quelques problèmes administratifs rencontrés dans 5% d’entre elles dont il faut parler. Finalement, savoir que Monsieur X a apporté des croissants chauds à Madame Y ne nous importe guère. Mais combien de personnes savent ou du moins, veulent bien savoir que notre enseignement, selon les chiffres de l’OCDE, serait l’un des plus inégalitaires ? Que nous avons, en Belgique, une ghettoïsation des écoles (surtout à Bruxelles et en Brabant wallon) ? Désormais, le premier arrivé est le premier servi et plus question d’invoquer des motifs suspects pour refuser un élève à l’entrée. Malheureusement, il existe d’autres mécanismes et filtres pervers qui sont quasi incontrôlables et visent le tri des élèves. Nous y reviendrons.
Accès à une « bonne école » ? Un droit !
On ne retire pas le droit aux parents de choisir l’école de leur enfant, au contraire, on le donne à tout le monde. Et c’est sans doute ceux à qui le système profitait auparavant qui s’indignent le plus. Cependant, certains parents ne savent parfois pas se déplacer pour faire la file dans les 3% des écoles qui posent problème. Mais nous sommes en droit de nous demander ce qu’est, finalement, une « bonne école ». Peut-être faudra-t-il, à l’avenir, améliorer certains points pratiques.
Vers plus de mixité sociale
Le décret ne pourra sans doute pas changer énormément la situation. Et il aura provoqué beaucoup de stress. Laissons le mécanisme se mettre en place pour mieux en juger et attendons d’autres chiffres pour comparer la nouvelle situation avec la précédente. Mais une constatation est indéniable ; certains mécanismes pervers qui visent le tri des élèves existent et existeront sans doute toujours. On parle par exemple de voyages et de fournitures scolaires exorbitants ou de certains directeurs d’écoles qui dissuadent des parents d’inscrire leurs enfants dans l’école de leur choix. Quel parent, qui aime son enfant, voudrait que celui-ci soit rejeté par ses petits camarades de classe ? Quelques uns cependant franchissent courageusement la porte. Alors, beaucoup de bruit pour rien ? Pas vraiment. Le décret a au moins le mérite d’ouvrir le débat sur les inégalités au sein de l’école. Mais un réel travail de terrain reste à fournir, pour autant que nos espoirs ne soient pas vains, le jour où des écoles privées proliféreront dans nos contrées.
Un travail de terrain, encore et toujours
Responsabiliser certains parents quant à l’importance de l’éducation, revaloriser la profession d’enseignant, stopper l’élitisme professoral réservé aux « bonnes » écoles, améliorer la qualité de l’enseignement, encadrer les élèves qui ne disposent pas d’une aide parentale,…Autant d’objectifs que visent certaines associations. Le MRAX (Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie), Infor Jeunes, le Cégé (Changement pour l’égalité), et le SDJ (Service Droit des Jeunes) soutiennent en effet ce décret comme étant un premier pas prometteur, mais pas suffisant. Il faut quotidiennement fournir un réel travail de terrain pour qu’à l’avenir, on ne retrouve pas que les personnes dites « favorisées » dans les files et les élèves de bonnes familles dans les « meilleures classes ». On leur souhaite bon courage… D’autant que les mentalités ne changeront pas d’ici demain et que les vertus de la mixité sociale continueront d’être perçues par certains, comme un nivellement par le bas.
J.B.
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